23 Aout 2006Philippe Bolopion
Les règles d'engagement provisoires de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), dont Le Monde a obtenu une copie, autorisent les casques bleus à ouvrir le feu pour se défendre, protéger les civils, ou désarmer les miliciens qui se trouveraient sur leur passage.
Les 15 000 soldats, qui seront placés sous le drapeau onusien, n'auront toutefois pas pour mission de rechercher activement les armes du Hezbollah, ni de s'interposer en cas de reprise des combats.
Le document de 21 pages, marqué "UN restricted" et distribué à tous les pays intéressés vendredi 18 août, affirme que la Finul renforcée opère selon des principes "de nature principalement défensive", mais qui "autorisent l'usage d'une force appropriée et crédible (...) si nécessaire". Ces règles d'engagement préservent sans ambiguïté le droit "inhérent" à l'autodéfense des casques bleus.
Au-delà, l'usage de la force est autorisé pour empêcher que la zone-tampon, entre la "ligne bleue" et le fleuve Litani, soit "utilisée pour des activités hostiles", pour "résister" à des tentatives de faire obstacle au mandat de la Finul ou pour "protéger les civils sous la menace imminente de violence physique". L'usage de la force doit être toutefois "proportionnel".
Le "Concept d'opération", un autre document provisoire, marqué "UN confidential", établit clairement qu'il revient aux forces armées libanaises de "prendre le contrôle" de la zone- tampon et de "désarmer le Hezbollah". L'ONU pourra cependant développer "des opérations d'information efficaces pour contrer la propagande du Hezbollah".
"Nous n'irons pas activement à la recherche des armes du Hezbollah", explique un haut responsable onusien qui ajoute : "Mais si, lors d'une patrouille, on tombe sur une cache, notre mandat est de saisir ces roquettes", poursuit-il. La Finul va également établir des check-points fixes et mobiles. "Si un camion passe avec des armes, on l'arrête", explique ce responsable militaire onusien. L'armée libanaise serait alors appelée à intervenir. "Si le véhicule tente de passer en force, nous utiliserons la force létale", prévient-il.
"TROUVER DES CONTRE-MESURES"
Au quotidien, les casques bleus devront, selon cette source, "patrouiller les rues, de jour comme de nuit, montrer leur présence, être en prise avec ce qui se passe dans la région". Si la Finul observe des hommes du Hezbollah en train de lancer une roquette sur Israël, elle fera appel à l'armée libanaise, et ne devrait pas, selon cette source, user de la force, quand bien même une interprétation stricte de son mandat l'y autoriserait.
De même, en cas de raid israélien au Liban, et de réplique libanaise, la Finul resterait "en dehors". "Nous ne nous interposerions pas, nous tenterions de les arrêter par d'autres moyens", poursuit le fonctionnaire onusien. "Mais si Israël vise des civils, nous devrions trouver des contre-mesures, en bloquant des voies d'accès ou en mettant en place des observateurs, même si c'est très dangereux", affirme-t-il.
A la demande du Liban, et contrairement au souhait d'Israël, la résolution 1701, qui a renforcé la Finul, n'est pas sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui permet un usage de la force plus libre que le chapitre VI, reposant sur le consentement des parties. Mais la Finul a "un chapitre VI robuste", explique un haut responsable onusien, selon lequel l'ONU "a pris des morceaux du chapitre VII et les a placés dans les règles d'engagement".
Le commandement de la force rapportera directement au chef du maintien de la paix de l'ONU, le Français Jean-Marie Guéhenno, lui-même sous l'autorité de Kofi Annan. "Le commandant de la force a beaucoup d'autonomie", assure le responsable onusien, selon lequel "il n'est pas possible d'être assis à New York et de dicter les détails de toutes les actions" de la future force.
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